mercredi 17 août 2016

Article de la Marseillaise : Marseille vends terrain avec blockhaus et vue imprenable sur mer



  
A l’Escalette, le belvédère a discrètement été mis en vente sur un site de petites annonces immobilières. Un nouveau rebondissement dans l’histoire de ce lieu, situé en plein coeur de parc national.

 L’annonce est là au détour du catalogue de la semaine d’un site Internet qui propose de l’espace publicitaire sur le web aux professionnels de l’immobilier. Une « exclusivité » que cette parcelle de 15 270 mètres carrés, sur la route des Goudes (8e), située dans le parc « naturel » (sic) des calanques avec vue imprenable sur la grande Bleue. Sur le cliché, on reconnaît sans peine les blockhaus de la batterie de l’Escalette, en clair le belvédère.

 Où cette mise en vente à 2 090 000 euros marque un nouveau rebondissement dans l’histoire de ce site bien malmené. La suite du petit texte est savoureuse pour qui connaît les lieux : il promet un « accès privatif à la calanque », un blockhaus principal « à usage de restaurant ou salle de réception » et surtout un « projet accepté et PC [permis de construire, NDLR] purgé de tous recours ». Car sur cette zone classée Natura 2000 et en plein cœur de parc national donc, a déjà failli se tenir un restaurant, une salle des mariages ou encore un « bar à ambiance musicale ». Des projets tous avortés après la mobilisation active du comité d’intérêt de quartier, des riverains et aussi d’élus. En particulier Marie-Françoise Palloix (PCF), toujours conseillère d’arrondissements dans le secteur.

 Rendre le site au public

 à la découverte de l’annonce, elle a aussitôt réagi. Elle se souvient du « bétonnage des rochers en toute impunité, sur un site déjà pollué », « des remblais déversés dans la mer qui ont bouché la crique » et du « mur de la honte », de 2m de haut construit voilà 18 ans en guise de clôture. En mai 2014, les travaux menés par le propriétaire des lieux, Jean Levakis, à la tête de la SCI des calanques, avaient pris une toute autre ampleur. Se prévalant d’une autorisation de 2008 accordée sur le domaine maritime par les services de l’urbanisme de la Ville de Marseille, ce dernier avait entamé à grand renfort de tracto-pelle le chantier de La Marina, le fameux « bar musical ». Au grand dam des voisins qui n’avaient pas manqué de signaler la chose. « En fait une discothèque », estime l’élue. Avec places de parking, plateforme en bois et cheminement piéton, détaille le projet. Projet finalement stoppé par le parc national des calanques trois mois plus tard « en raison de son impact notable sur les habitats naturels, les espèces et le patrimoine paysager », indique l’arrêté de juillet 2014 pris par le directeur de l’établissement public.

 « Il faut maintenant que le parc national préempte ce site », estime Marie-Françoise Palloix, « c’est un lieu public qui doit retourner au public » et « au prix des Domaines, pas pour faire une quelconque plus-value ». Et de promettre d’envoyer un courrier en ce sens au président du parc, Didier Réault, mais aussi au président de la métropole et maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (LR) et des autres collectivités locales. Une manière de mettre un point final à une histoire mouvementée.

 Car les blockhaus ont aussi été l’objet de l’attention des enquêteurs dans le cadre du dossier Campanella où un des associés de Levakis, Jean-Claude Pietrotti, a été mis en examen en 2011 devant le juge Dorcet pour blanchiment d’argent et exploitation de jeux de hasard en bande organisée, abus de biens sociaux et autres extorsion de fonds.

Mireille Roubaud