vendredi 3 février 2017

Article de Myriam Guillaume journal La Marseillaise sur Legre Mante

Marseille : vue sur mer mais les pieds dans le crassier

  • Écrit par  Myriam Guillaume
  • vendredi 3 février 2017 09:32

Sur cet amas de déchets gorgés de plomb, arsenic, mercure et autres cyanures, qui fait face à l’ancienne usine et où personne ici ne se risque au potager ni au ramassage de coquillages, le promoteur Océanis prévoit la construction de six villas. 
Photo M.G
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CIQ et associations manifesteront samedi matin leur colère à la Pointe Rouge pour dénoncer une mise en danger d’autrui. Les terres polluées de l’ancien site industriel Legré Mante ne sont pas prêtes pour l’accueil du programme immobilier du promoteur Océanis.

« Mes grands-parents ont été les premiers à s'installer, en 1956, dans cette cité. Il n'y avait que des Corses et des Italiens. Ouvriers pour la plupart. On vivait avec ces cheminées et ça faisait du boulot. La pollution, à l'époque, on s'en inquiétait pas. » Cet ancien de la Verrerie, cité du 9e arrondissement de Marseille très convoitée pour sa situation face à la mer, se repasse le film d'un quartier en passe de s'agrandir : « Le problème c'est qu'on a que cette petite route et avec le bus 19, ça va coincer grave. »

Mais la réunion au centre social Mer et Colline, initiée en début de semaine par le comité Santé Littoral Sud et les comités d'intérêt de quartier (CIQ) des alentours avec la participation d'associations proches de la nature, va dresser un état des lieux bien plus inquiétant.

Le promoteur montpelliérain Océanis a racheté à Legré Mante ses terrains pour y construire sur 8,5 hectares un programme de plus de  300 logements de standing et quelques commerces en trois parcelles de 34 villas, 286 logements et commerces, et six autres villas en bord de mer (la partie de la parcelle sur le domaine maritime doit être restituée).

Mais si l'usine tartrique créée en 1784 est à l'arrêt depuis 2009, les terrains sont marqués au fer par son activité, abritant un amas de déchets industriels déversés durant des siècles. Et pas des moindres : mâchefers et cendres de combustion des fours de la fonderie contenant des métaux lourds (plomb, arsenic, mercure, cadmium, antimoine), de même que des résidus d'acide tartrique tels cyanures et sulfates.

Des particules aux quatre vents

« Quand le projet est sorti, on s'est mobilisé sur la construction, le problème de dépollution ne nous est pas apparu aussi évident qu'aujourd'hui, regrette Yves Galtier, président du CIQ Montredon, c'est pourquoi nous avons contesté les permis. Nous sommes en cassation car nous respirons tout ce qui se trouve sur le site, avec des plaques d'amiante cassées, les particules fines sont livrées aux quatre vents et se redéposent sur nos quartiers. »

Le premier permis a été annulé en 2014. Une prorogation a été refusée par la Ville en 2016. « Sur la première, il y a eu violation du PLU mais la législation a changé », précise Roland Dadena, pour le collectif Santé Littoral Sud. Comment la Ville a-t-elle pu accorder ces permis en connaissance de cause ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils ignorer cette mise en danger d'autrui ?, s'interroge-t-on parmi la soixantaine de riverains qui ont répondu à l'invitation.
« Il faudra 15 millions d'euros pour la dépollution », estime Monique Touitou, vice-présidente du CIQ Madrague-la Rose-Verrerie. Mais prise en charge par le promoteur, c'est à lui d'en choisir les modalités. Or remuer des tonnes de toxiques, comme il l'a prévu, a de quoi affoler les riverains.
Sur le mur d'enceinte de l'usine, un nouveau permis est affiché, valable jusqu'en juin 2017. Des engins sont apparus sur le site côté mer. Les habitants ont craint un démarrage des travaux. « Il s'agit d'une mise en sécurité », s'est entendu répondre Monique Touitou en préfecture. Les riverains ont dû remuer ciel et terre pour se faire entendre. Et ça fait mouche, même si le combat n'est pas gagné. « La Dreal [direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, Ndlr] qui faisait la sourde oreille depuis 2011, semble aujourd'hui prête à agir », est soulagé Roland Dadena, décidé à déposer plainte pour mise en danger.
Mais avant cette étape, tous manifesteront samedi pour « une dépollution sans danger ». Acquises à leur cause, l'élue communiste de secteur Marie-Françoise Palloix, et la socialiste Annie Levy-Mozziconacci qui entend poser une question écrite au conseil municipal de lundi.
Myriam Guillaume